mercredi 18 janvier 2017

Jonathan Strange & Mr Norrell

Auteur : Susanna CLARKE
Editeur : Le livre de poche
Parution : 27 février 2008
Nombre de pages : 1146





Il y a des siècles de cela, du temps où la magie existait encore en Angleterre, le plus grand magicien de tous était le roi Corbeau. Enfant d’homme élevé par des fées, le roi Corbeau mêla sagesse féerique et humaine raison pour fonder la magie anglaise. En 1806, année où commence le roman, il n’est plus guère qu’une légende. L’Angleterre est gouvernée par un roi fou, Lord Byron bouleverse les mœurs autant qu’il révolutionne la poésie, les guerres napoléoniennes ravagent le pays… et plus personne ne croit à la pratique de la magie. Or voici que Mr Norrell, le reclus de l’abbaye de Hurtfew, lance un défi aux magiciens théoriciens qui pullulent dans le pays : il prouvera qu’il est le seul véritable magicien du pays. Dans une scène éblouissante, il prête parole et mouvement aux statues de la cathédrale d’York. La nouvelle du retour de la magie en Angleterre se répand jusque dans les frivoles salons londoniens. Pédant, prétentieux, Mr Norrell devient pourtant la coqueluche de la noblesse londonienne. Mais lui veut davantage : aider le gouvernement dans sa guerre contre Napoléon. Il bloque les Français en rade de Brest grâce à une immense flotte anglaise composée de navires nés de la pluie, et dote les côtes britanniques de charmes protecteurs.
Aider le royaume d’Angleterre n’est pas l’unique obsession de Mr Norrell. Car il veut aussi, et surtout, éliminer tout rival possible. C’est compter sans la prophétie : Deux magiciens paraîtront en Angleterre. Le premier me craindra ; le second de me voir brûlera. Et bientôt il croise sur son chemin un brillant jeune magicien, Jonathan Strange. Ce dernier est charmant, riche, un brin arrogant, mais imaginatif et courageux. Mr Norrell, séduit, le prend pour élève. Ensemble, ils éblouissent le pays de leurs exploits. Mais leur association tourne vite à la rivalité…




Ce que j'en ai pensé


Voilà un livre que l'on ne peut pas parcourir en quelques jours. Il demande du temps, de la patience et un brin de motivation. Mais si l'on persévère, les efforts sont payants car c'est un grand livre. Mille cent quarante-six pages d'une écriture dense, fouillée, précise, recherchée. Un style un peu à la Jane Austen, avec une bonne dose d'ironie toute en finesse, touchant à la satire sociale, qui m'a fait sourire plus d'une fois

Pour l'histoire, imaginez une Angleterre du début du XIXe siècle où la magie paraît normale aux gens, qui ont vécu avec elle au quotidien pendant des siècles, avant qu'elle décline et disparaisse peu à peu, jusqu'à n'être plus qu'un souvenir nostalgique.

Les seuls magiciens qui restent sont de vieux messieurs issus de l'aristocratie qui discourent inlassablement sur le sujet, mais de façon uniquement théorique, et qui n'imaginent même pas que l'on puisse encore la pratiquer concrètement.
Jusqu'au jour où ils apprennent l'existence d'un "vrai" magicien, qui vit en reclus dans une ancienne abbaye reconvertie en demeure cossue, dont l'élément le plus spectaculaire et intéressant est une immense bibliothèque constituée de tous les livres de magie existant en Angleterre. 

Ce magicien-là, Mr Norrell, n'est pas franchement sympathique, et ne le deviendra à aucun moment du roman. Austère, sérieux, solitaire, il garde jalousement ses connaissances magiques pour lui, n'est pas tellement sociable ni diplomate et vit dans la peur permanente qu'un autre magicien fasse son apparition en Angleterre.

Or, c'est précisément ce qui va arriver, avec l'entrée en scène de Jonathan Strange, un jeune homme riche et extrêmement doué qui a découvert la magie presque par hasard et s'est formé seul, de façon empirique, n'ayant accès à aucun livre (étant donné que Mr Norrell les achète tous systématiquement aux quatre coins du pays, pour être bien sûr que personne d'autre que lui n'y aura accès).

Grâce à deux magiciens "théoriques", connaissances communes aux deux hommes, Strange et Norrell vont être présentés et, contre toute attente, Norrell va être ravi de pouvoir discuter avec un alter ego, un magicien qui, comme lui, pratique réellement son art.
Il va prendre Strange comme élève, et lui apprendre un grand nombre de choses (mais pas tout ce qu'il sait, car c'est plus fort que lui, il y a des secrets qu'il ne peut se résoudre à révéler à un autre).

Ensemble, ils vont éblouir les plus grands personnages du pays et aider le gouvernement anglais dans sa lutte contre Napoléon. Et surtout, ils vont avoir comme but ultime de restaurer la magie en Angleterre.

Mais alors que Norrell est ennuyeux et froid en société, Strange, lui, est charmant, brillant, sympathique et ouvert. Il ne rechigne pas à faire des démonstrations de magie en public, et devient vite la coqueluche de tous les salons et dîners londoniens.

Et le plus important, c'est qu'il va accepter de participer activement à l'effort de guerre en partant au Portugal rejoindre Lord Wellington, le chef des armées anglaises. Là-bas, il va accomplir des prouesses et contribuer grandement à la victoire de son pays contre Napoléon.

De retour à Londres, ayant pris l'habitude d'agir librement et de prendre des décisions par lui-même, il ne va plus supporter de rester sous la férule de Norrell, et leurs divergences de points de vue sur la façon de concevoir et pratiquer la magie va bientôt les séparer complètement.

D'autant plus que le côté féerique et sombre de la magie va bientôt intervenir dans la vie de Strange d'une façon dramatique, le poussant à se surpasser et à explorer son talent plus loin qu'il n'aurait jamais pensé aller, et réussir ce que personne n'aurait cru possible.

Car en effet, ici, l'univers féerique existe juste à côté du nôtre, en parallèle, et se superpose même parfois au nôtre, mais il est loin d'être merveilleux. Au contraire, il est sombre, inquiétant et dangereux. Les fées, hommes et femmes, sont des êtres retords et peu dignes de confiance, prenant un malin plaisir à se jouer des humains, à les envoûter et à leur imposer des vies de tortures mentales et d'esclavage.

Et cet aspect-là, malgré le malaise qu'il provoque chez le lecteur, représente le côté le plus fascinant du roman, avec des passages d'une rare poésie. 

Ce roman se découpe en trois parties : la première, consacrée à Mr Norrell et à la mise en place de l'histoire, est la moins passionnante, car il ne se passe pas grand-chose, et le personnage de Norrell n'est ni très attachant, ni très captivant. La deuxième partie, celle où apparaît Strange, est excellente.  Tout le passage sur les guerres napoléoniennes, notamment, est passionnant, et il se passe énormément de choses. De plus, comme je l'ai dit, Strange est un personnage sympathique et attachant, et le récit s'illumine dès qu'il est présent.

La troisième partie est une pure merveille ! Un mélange d'aventures, de fantasy et de fantastique, avec une poésie incroyable. C'est clairement ma partie préférée, celle que j'ai lu le plus vite et qui m'a le plus emportée.

Il y a énormément de personnages, dans ce roman, mais tous sont décrits en détails, de façon très précise, que ce soit physiquement ou au niveau de leur personnalité. Ils sont travaillés, complexes, parfaitement crédibles, et aucun n'est ni tout blanc ni tout noir.

Parmi les personnages secondaires, j'ai particulièrement apprécié Childermass, le secrétaire particulier de Norrell, très intelligent, maître de lui-même, et supérieur à son patron en bien des points. D'ailleurs, leurs discussions, souvent empreintes d'ironie du côté de Childermass, étaient un régal pour moi.

La femme de Strange, Arabella, a également été un de mes personnages préféré. Intelligente, vive, agréable, généreuse, charmante, elle s'accorde vraiment très bien avec son mari et ils forment un couple heureux, harmonieux et complémentaire.

Une des caractéristiques les plus originales du livre, et qui peut dérouter au départ, comme cela a été le cas pour moi, est la présence de très nombreuses notes de bas de pages - dont certaines sont impressionnantes par leur longueur -, qui agrémentent et complètent le récit. Il faut savoir que ce sont, pour la plupart, des notes fictives. C'est-à-dire qu'elles font partie du récit et ont pour but de lui donner un aspect "véridique" et "historique", en se donnant des airs de sortir de livres d'histoire ou d'encyclopédies, alors que tout est inventé par l'auteur. Les seules qui sont de vraies notes sont celles où il est précisé "N. du T." entre parenthèses, c'est-à-dire "Note du Traducteur". 

Mais bien que fausses, ces notes font partie intégrantes de l'histoire, et il ne faut surtout pas faire l'impasse dessus, car on se priverait d'anecdotes amusantes et pittoresques et de renseignements importants pour la compréhension pleine et entière de l'histoire ainsi que de récits sur le folklore féerique et magique. Ces notes contribuent elles aussi à l'immersion du lecteur dans le récit et apportent un plaisir supplémentaire.

Pour finir, je dirai que ce roman possède plusieurs niveaux de lecture, des aspects symboliques et allégoriques certains et de nombreux thèmes qu'il serait passionnant d'explorer plus profondément. 

Conclusion : Un roman dense et exigeant, qui ne se lit pas facilement. Je dirais qu'il faut le mériter car il ne révèle toute sa saveur que peu à peu. Or, les débuts peuvent rebuter plus d'un lecteur, par la lenteur du récit à se mettre en place et l'aspect très détaillé de la narration. On se demande parfois où l'auteur veut en venir et pourquoi elle fait une telle digression, avant de se rendre compte qu'en fait, tout ce qu'elle a dit avait son importance. Les descriptions détaillées, l'ambiance admirablement rendue de l'Angleterre de cette époque et le contexte historique très présent en font un récit totalement immersif. On sent que l'auteur a énormément étudié son sujet, que ce soit au niveau historique ou au niveau folklorique et légendaire, et cela apporte vraiment un plus à l'histoire. A l'arrivée, je suis ressortie de ma lecture enchantée, éblouie et pleine d'admiration pour le travail de cette auteure.
En bref, je vous le conseille vraiment. D'accord, l'action est longue à démarrer, le nombre de pages et de notes de bas de pages peuvent sembler décourageants, l'écriture est dense, mais si vous arrivez à dépasser tout cela, je pense que, comme moi, vous ne serez pas déçu.

Ma note : 18/20




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5 commentaires:

  1. ça a l'air super, mais j'avoue que l'épaisseur du livre et ce que tu dis des notes en bas de pages me refroidit énormément!

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    1. Vraiment, je ne les ai pas trouvé gênantes, les notes. Au contraire, elles étaient toutes intéressantes. :-)

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  2. Héhé, super chronique =)
    Je pense que je finirais par le lire un jour celui ci, mais pas tout de suite :P
    Il te reste maintenant a regarder la série tv qui en a été adaptée et à faire la comparaison des deux ^^ (mais elle n'est pas sur netflix je crois, malheureusement)

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    1. Je suis contente que tu aimes ma chronique.
      Par contre, j'ai peur que tu le trouves long, ce livre, toi qui aimes quand ça bouge. ;-)

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  3. Il a l'air passionnant, mais peut être pas en lire en ce moment pour moi. PLus trop le temps des lectures complexes et si denses. On va attendre les beaux jours.
    Superbe chronique en attendant !

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