lundi 5 mars 2018

Le temps incertain

Auteur : Michel JEURY
Editeur : Presses Pocket (Science-Fiction)
Parution : 1979
Nombre de pages : 253






La chronolyse, c'est inquiétant. C'est même dangereux.
Surtout pour un homme de 1966 qui plonge, sans l'avoir voulu, dans le Temps incertain, alors même que l'exploration chronolytique n'est pas inventée. Et quand commencent à surgir des fissures de l'avenir ou des possibles, les seides inquiétants de Harry Krupp Hitler 1er, empereur de l'Indéterminé, quand on ne peut plus attendre d'aide que d'un avenir menacé et d'indications que des phords de Garichankar, quand la réalité quotidienne se dédouble et se contredit, on en vient vite à douter de sa raison.
La raison de qui ?
La vôtre, ou celle de Daniel Diersant écartelé entre les injonctions contradictoires du Docteur Holzach, psychronaute, et des Pêcheurs de la Perte en Ruaba ?

















Ce que j'en ai pensé



La chronolyse, c'est la façon qu'ont trouvé les savants du futur pour voyager dans le temps. Mais pas avec une machine, non. Avec une drogue, que l'on prend, et qui fait voyager votre esprit dans le temps "incertain". Car ici, le temps n'a rien de linéaire ni de sûr. Il est sans arrêt susceptible de se modifier, de subir d'infinies variations, et voyager dans ce "temps incertain" n'est vraiment pas sans danger. Certains n'en sont même jamais revenus, morts (sans raison apparente) ou coincés dans une boucle temporelle infinie située à l'ultime instant entre la vie et la mort.

De plus, pour pouvoir agir dans ce temps incertain, les psychronautes doivent "unir" leur esprit à une personne du passé, mais là aussi, cela peut être très dangereux, car le psychronaute oubliera tout de sa vraie vie et même sa personnalité se "fondra" dans celle de son "hôte". 

Au début du roman, nous sommes en 2066 et nous suivons le Docteur Holzach, qui se prépare à entrer en "chronolyse". Il a subi un entraînement intensif pendant plusieurs semaines et a déjà absorbé le Mebsital, cette drogue qui permet de propulser son esprit dans le temps incertain.

Mais lors du compte à rebours, nous comprenons que quelque chose ne va pas. Hélas, c'est trop tard pour arrêter le processus. Et nous nous retrouvons soudain dans la peau de Daniel Diersant, homme de 1966, simple employé d'un grand laboratoire (qui est en train de mettre au point un médicament qui deviendra, beaucoup plus tard, le Mebsital), qui est en route pour se rendre à un rendez-vous donné par son patron. C'est la nuit, il est sur l'autoroute, sur le chemin de son entreprise. Mais à partir de là, il va commencer à vivre un véritable cauchemar, car plus rien ne va être cohérent ni logique. Il va être pris dans une sorte de boucle temporelle, dans laquelle les mêmes scènes se rejouent indéfiniment, avec à chaque fois, juste quelques détails qui changent, et cela dix fois, vingt fois, cent fois... D'ailleurs, je dois dire que cet aspect du roman a suscité mon admiration, car l'auteur fait vraiment fort, en parvenant à réécrire un nombre incalculable de fois la même scène, mais en employant chaque fois des mots différents pour décrire la même chose, usant d'une multitude de métaphores et d'images d'une main de maître.

L'auteur ne ménage ni son lecteur ni son personnage principal, le projetant en une seconde dans un autre lieu, un autre temps, et en mélangeant tout, jusqu'à ce qu'on ne sache plus on l'on en est. Le pauvre Daniel ne sait plus si on est en hiver ou en été, car cela aussi change d'un instant à l'autre, il ne sait plus qui sont ses alliés et ceux qui apparemment lui en veulent (pourquoi ? il l'ignore également).

Il se retrouve même à intervalles plus ou moins réguliers dans la peau d'un certain Renato, un marin qui n'a plus qu'une main, sans que l'on sache pourquoi leurs deux personnalités se confondent, et dont on ne comprendra qu'à la fin ce qu'il fait dans cette histoire (enfin... si mes déductions sont bonnes).

Il a toujours dans sa poche une lettre, dont le contenu change continuellement, et nous comprenons bientôt que ce sont des messages envoyés du futur par l'assistante du Docteur Holzach, qui fait désormais partie de lui.



Car une guerre est en train de se jouer entre une organisation fortement nazifiante, HKH, qui appartient au temps incertain, mais qui veut conquérir la réalité. Et dans la réalité de 2066, HKH est en train de gagner cette guerre. Et apparemment, les deux camps veulent que Daniel Diersant soit à leur côté, je n'ai pas vraiment compris pourquoi. Comme je n'ai pas très bien compris comment des gens qui n'existent que dans le temps incertain pouvaient agir sur la réalité.

Daniel Diersant, quant à lui, va peu à peu comprendre qu'il ne rêve pas, mais qu'il n'est pas non plus dans la réalité, et qu'il est dans cet univers étouffant et incompréhensible parce qu'il a eu un accident de voiture en se rendant à son fameux rendez-vous (ce qui explique pourquoi c'est à partir de là que tout devient si bizarre), qu'en réalité, il est entre la vie et la mort, et qu'il y a eu comme une faille, une anomalie, que le traumatisme qu'a subi son cerveau lors de l'accident l'a propulsé en état de chronolyse, alors que cela n'aurait jamais dû se produire sans Mebsital.

Voilà tout ce que j'ai compris de ce roman extrêmement déroutant. En effet, cela m'arrive très rarement, mais là, je dois avouer que je ne sais pas exactement ce que j'en ai pensé. Je ne sais même pas si j'ai aimé ou pas. Ce que je sais, c'est que je n'ai pas eu envie de l'abandonner, même aux moments où j'étais totalement perdue, et qu'au contraire, j'avais toujours envie d'en lire plus, pour voir si le personnage principal allait parvenir à sortir de ce cauchemar.

En tout cas, même si je suis à peu près sûre de ne pas avoir tout compris, je pense quand même avoir fini par capter l'essentiel. Mais il est évident que je ne le recommanderais pas à tout le monde, car c'est vraiment très particulier, tant sur la forme que sur le fond. C'est une lecture exigeante, dans le sens où c'est très dense et où il faut vraiment s'accrocher pour arriver à suivre, car même en y mettant toute sa concentration, ce n'est pas gagné.  

Les gens, les lieux, les choses... tout change, se modifie, se transforme, rien n'est ce qu'il paraît être, et pendant une bonne partie du livre, on se demande si le narrateur rêve, s'il est fou ou si c'est le monde qui l'entoure qui est fou.

De plus, il y a une ambiance vraiment pesante, liée autant à l'état d'esprit du personnage, qui a l'impression d'étouffer dans cette boucle temporelle sans fin, mêlé à des événements auxquels il ne comprend rien, dans lesquels il n'a rien à faire et qui lui semblent totalement absurdes, qu'à l'atmosphère irrespirable et moite qui l'entoure. Le personnage répète de nombreuses fois qu'il a soif, qu'il a besoin de boire, mais comme cela arrive dans les rêves, il ne peut jamais boire. Il se passe tout le temps quelque chose qui l'en empêche. 

Et moi qui ne suis pas fan des aventures où l'absurde règne en maître, comme dans Alice au pays des merveilles, ce genre de récit a tout pour me mettre mal à l'aise. Néanmoins, bien qu'effectivement très mal à l'aise, j'avais envie de continuer pour savoir, pour obtenir des réponses, pour voir si j'avais bien compris ce que j'avais cru comprendre...

Et si au bout du compte nous obtenons plus ou moins ces réponses, et que le personnage principal parvient à trouver une échappatoire à cet univers aberrant, si proche du rêve et pourtant réel, à sa manière, reflet de notre monde mais où toutes les lois spatiales et temporelles sont transgressées, cela ne sera pas celle à laquelle on s'attendait.

Personnellement, j'ai trouvé cette "porte de sortie" presque aussi angoissante que le temps incertain d'où les personnages arrivaient, mais comme eux semblaient en être satisfaits, cela m'a fait réaliser que mes doutes étaient sans fondement et que cela devait sûrement être une bonne fin, en tout cas aussi bonne que possible, au vu des circonstances.



Conclusion : Une lecture exigeante, dans un style très dense et qui donne une impression de totale confusion, pendant un bon moment, avant qu'une trame se dégage peu à peu de toutes ces apparentes incohérences et de tous ces changements à première vue sans queue ni tête.
C'est une lecture difficile, à laquelle je n'ai pas tout compris, et dont je n'ai pas saisi toutes les implications, je pense, qui me laisse une impression d'angoisse, mais dont je ne garde pas un mauvais souvenir, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Un roman très particulier, mais écrit avec un talent certain.


Ma note : 14/20



Cette lecture rentre dans le cadre des challenges :























1 commentaire:

  1. Et bin, en effet, ça a l'air vraiment très complexe. Je ne sais pas du tout si ce genre de livre pourrait me plaire. D'un coté oui peut être si l'intrigue arrive à me capter, mais j'ai aussi peur que ça ne passe pas du tout xD

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